Accompagner le développement des soft skills, c’est permettre aux élèves d’aujourd’hui de mieux naviguer le monde de demain, où les changements s’annoncent de plus en plus rapides et complexes. Si le système éducatif et les programmes sont construits autour de l’acquisition de compétences techniques, les softs skills deviennent aussi une nécessité à penser. Ils permettent de se pencher sur des systèmes d’interaction nécessaires à la vie en société dans un monde globalisé. Parmi ces compétences on peut citer la communication, la collaboration, la capacité à résoudre des problèmes. 

Et si aujourd’hui les soft skills sont présentés comme des compétences à développer pour faire preuve de plus de compétitivité sur le marché du travail, ils sont aussi très utiles en amont, pendant le cursus éducatif d’un élève, afin de favoriser son épanouissement. 

Comment les Soft Skills peuvent venir accompagner des élèves en difficulté ?

Importance des Soft Skills dans le Contexte Éducatif

Dès 1993, l’OMS insiste sur l’importance des soft skills en les considérant comme un enjeu de santé publique. Cette réflexion collective autour des compétences psychosociales permet de les classer dans les 3 catégories suivantes : 

  • Les compétences sociales (ou interpersonnelles ou de communication) : 
  • Les compétences cognitives 
  • Les compétences émotionnelles

Le développement de toutes ces compétences psychosociales qui deviennent un enjeu de santé publique et un enjeu collectif permettent d’accompagner l’individu à plusieurs étapes de sa vie : 

  • L’enfant dans son développement cognitif, émotionnel, moteur et social 
  • L’adolescent plus tard doit continuer à les développer car elles peuvent l’aider à s’inscrire dans un cercle toujours plus vertueux mais aussi permet d’éviter la consommation de substances illicites ou de les aider à avoir une bonne santé mentale. 
  • L’adulte peut s’appuyer sur ces CPS (Compétences Psycho-Sociales) pour s’épanouir parmi les autres, personnellement, au travail, comme citoyen ou en tant que parent. Ces compétences constituent un premier point de départ pour travailler l’empathie, dont la nécessité est croissante au vu de nos modes de vie plus individualistes. 

Cependant la recherche mentionne une difficulté qui s’applique au développement de toutes ces compétences psychosociales. Comment mettre en place des concepts abstraits, en mouvement et qui auront un écho différent chez chacun à une échelle collective ? Existe-t-il des grands principes à respecter pour enclencher la mise en place collective de ces compétences psychosociales pour qu’elles puissent ensuite se diffuser individuellement ? 

La recherche propose les pistes suivantes : 

  • La mise en place d’ateliers expérientiels par des professionnels de l’éducation qui peuvent être formés à des aspects spécifiques 
  • Ces ateliers sont progressifs et permettent un développement qui s’ajuste au fur et à mesure des interactions qui auront lieu dans un groupe :  “Les ateliers s’inscrivent donc dans une approche humaniste, participative et non descendante.” – Dossier La Santé en Action – No 431 – Mars 2015. Ces ateliers se basent sur les individus et non sur une pensée théorique. 

Les Soft Skills dans le paysage éducatif français

En France c’est à partir des années 1990 que les CPS deviennent une préoccupation dans la continuité du travail entamé dans les années 1970 dans les pays anglo-saxons avec les Life Skills Training.

Le professeur Jacques Fortin est un des pionniers de l’inclusion des soft skills dans l’éducation avec le lancement de plusieurs programmes qui permettent des résultats positifs sur le vivre ensemble auprès des adolescents (projet Groupe Gaspard). Il étend son travail aux élèves de primaire auprès desquels il introduit dans les enseignements quotidiens une dimension consacrée au soft skills. Puis en collaboration avec des professeurs nord-américains, où la pratique est plus développée, il met en place le programme « Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle ». Ce long travail progressif a débuté en 1986. 

Après ces premières étapes, plusieurs chercheurs s’intéressent à la question avec des collaborations internationales qui viennent se nourrir et permettent la production d’une littérature scientifique importante sur la question. Ce qui permet d’ancrer positivement les CPS dans les pratiques et dans le quotidien des acteurs de l’éducation mais aussi auprès des parents. 

Des recommandations plus concrètes et solides sont énoncées et diffusées auprès des professionnels comme en 2003 avec L’Inserm « Santé des enfants et des adolescents. Propositions pour la préserver » qui recommande la promotion de la santé mentale, le recours aux programmes CPS. Ce dossier est très utile car il vient fournir de véritables outils et appuyer le changement de paradigme qui s’opère depuis la fin des années 1990.

Aujourd’hui, les Soft Skills sont identifiés clairement comme une nécessité à intégrer au quotidien des élèves pour favoriser la persévérance scolaire.  

Identification des Soft Skills Clés

L’identification des Soft Skills clés dans le contexte éducatif implique de reconnaître les compétences essentielles pour les élèves. Ces compétences vont au-delà des connaissances académiques et englobent des aptitudes personnelles et sociales cruciales. 

Parmi celles-ci, on retrouve :

– La communication efficace

– La collaboration et travail d’équipe

– La résolution de problèmes

– La pensée critique

– La créativité

– L’adaptabilité

– La gestion du temps et la gestion du stress

– L’empathie

– L’intelligence émotionnelle

Ces soft skills sont intimement liés à la réussite scolaire. Les compétences sociales, telles que la communication et la collaboration, favorisent un environnement d’apprentissage positif où les élèves peuvent échanger des idées, travailler ensemble et s’entraider. De même, les compétences émotionnelles, comme l’empathie et l’intelligence émotionnelle, permettent aux élèves de gérer efficacement leurs émotions, de comprendre celles des autres et de maintenir des relations interpersonnelles saines.

On l’aura compris, afin de préparer au mieux les adultes de demain et leur permettre d’être épanouis, il est essentiel d’intégrer les Soft Skills aux programmes scolaires. 

Comment intégrer les Soft Skills dans une salle de classe ?

Les chercheurs Daniel Peyron et Robert Lanquar proposent dans un article consacré au soft skills plusieurs pistes qui émergent du travail mené sur l’intégration des soft skills dans l’enseignement secondaire à travers 4 espaces : 

  • La salle de cours, où intégrer du blended learning et des activités qui impliquent directement l’élève sont nécessaires pour diversifier le programme d’apprentissage. Ils ajoutent qu’intégrer du e-learning permet aux enseignants de dégager du temps pour des sessions de tutorat personnalisé. Le consortium Bien à l’École compte un acteur, Blended Learning qui accompagne les écoles vers cette transition qui incorpore du digital dans les enseignements. 

  • L’école, en créant une “école augmentée” qui devient un lieu de vie pour les élèves qui s’y engagent citoyennement et y trouve des espaces d’échanges constants. Un point important dans les situations de décrochage scolaire, où les élèves évitent l’école car le simple lieu est une source d’angoisse. Ils proposent aussi dans cette école où les interactions sont plus nombreuses, d’intégrer un mélange des âges, où les plus jeunes apprennent des plus grands. Ce qui permet de développer plusieurs soft skills mais aussi la confiance en eux des élèves. Le mélange des âges existe notamment dans les pédagogies bienveillantes comme en Montessori où les enfants interagissent dans une classe appelée “ambiance” et où les enfants ont des âges différents de 3 à 6 ans et de 6 à 12 ans, par exemple.  

  • “L’extérieur : stages, missions solidaires, enquêtes, sessions linguistiques.” intégrer ce type d’activités permet à des enfants d’explorer une diversité d’horizons, notamment avec la mission menée par l’association Synergie Family, membre du consortium Bien à l’École.

  • La maison où les apprentissages et la socialisation se poursuivent. Intégrer du e-learning permet de faciliter et ritualiser ce suivi après école pour le rendre moins angoissant pour les élèves. 

Soft Skills en éducation : étude de cas

Dans un rapport proposé par Santé Publique France d’Octobre 2022, on retrouve plusieurs études de cas de la mise en place des soft skills dans les salles de classe. 

Le programme Good Behavior Game (GBG) ou Jeu du comportement adapté

Le programme Good Behavior Game (GBG), ou Jeu du Comportement Adapté, est une initiative de prévention universelle visant à gérer les comportements des élèves en classe élémentaire (du CP au CM2) pour améliorer le climat scolaire. 

Il est fondé sur quatre éléments clés : 

 – les règles de classe, 

– l’appartenance à une équipe,

– l’observation active du comportement 

– le renforcement positif 

Le GBG vise à renforcer les compétences psychosociales des élèves, telles que l’autonomie, la coopération et la régulation émotionnelle. Les séances du GBG, présentées comme un jeu par équipes, se déroulent pluri-hebdomadairement pendant les exercices ou les leçons et n’interfèrent pas avec le temps d’apprentissage. Les équipes gagnantes sont récompensées avec un renforcement positif, matériel, individuel et immédiat, qui évolue avec le temps. Des études ont montré que le GBG a un impact positif à long terme sur de nombreux comportements à risque et la santé mentale des élèves. Adapté en France par le Groupe de recherche sur la vulnérabilité sociale (GRVS), le GBG a été bien accueilli dans les écoles et a montré des résultats positifs, notamment dans les quartiers défavorisés. 

Depuis 2018, le GRVS déploie le programme dans plusieurs régions françaises et collabore avec Santé publique France pour évaluer son efficacité dans le contexte français.

Le programme Prodas

Le Programme de développement affectif et social (Prodas) a été développé aux États-Unis en 1972 par Uvaldo Palomares, Harold Bessell et Geraldine Ball, puis traduit en français en 1987 sans adaptation. Il a été importé en Europe, notamment en France, en Suisse et en Belgique. 

Le Prodas vise à développer les compétences psychosociales des enfants et des adolescents en favorisant leur compréhension et leur respect de soi et des autres. Les sessions consistent en des groupes de parole où les enfants partagent leurs émotions et leurs expériences. 

Le programme se concentre sur : 

  •  la conscience de soi, 
  • l’identification des ressources personnelles, 
  • la conscience des autres 
  • les compétences sociales. 

Il utilise des cercles de parole pour faciliter la communication, avec des règles précises pour garantir un environnement de communication sain. Les animateurs guident les discussions sur les aspects socio-émotionnels, favorisant l’expression des émotions et des ressentis. Les séances se terminent par un temps d’intégration cognitive où les participants réfléchissent sur ce qu’ils ont appris et sur les applications pratiques dans leur vie quotidienne. Le Prodas vise à améliorer les compétences émotionnelles et sociales des enfants et des adolescents, ainsi que le climat de confiance en classe. Les retours qualitatifs sur l’expérience du Prodas montrent une amélioration significative de la satisfaction professionnelle des enseignants et du climat de classe, ainsi qu’une meilleure communication entre les élèves et les enseignants. Des évaluations complémentaires sont nécessaires pour comprendre les effets à long terme du programme sur la promotion de la santé mentale.

Le programme Mission Papillagou

Le programme Mission Papillagou, anciennement nommé Papillagou et les enfants de Croque Lune, est un grand jeu de piste axé sur les compétences psychosociales, les comportements à risques, l’éducation à la santé et la citoyenneté. Conçu pour les jeunes de 10 à 15 ans en milieu scolaire ou extra-scolaire, il vise à prévenir les conduites et les consommations à risques en développant les compétences psychosociales chez les enfants. 

Le programme se déroule en trois séances de trois heures chacune, abordant respectivement :  

  • les comportements à risques,
  • l’importance de la coopération, 
  • la confiance en soi 
  • l’affirmation de soi. 

Chaque séance comprend des jeux de rôles et des énigmes en groupe, suivis de débats sur les thèmes abordés. L’objectif principal est de favoriser le développement des compétences psychosociales chez les jeunes à travers une approche expérientielle et pédagogique définie. 

Depuis 2012, le programme a été mis en œuvre dans 95 classes en Seine-Saint-Denis, bénéficiant à 2 355 élèves. Une évaluation récente a montré des effets positifs sur l’estime de soi, le bien-être, et les comportements des élèves, notamment une diminution des troubles psychiques, des conduites à risques, et une réduction des intentions comportementales liées à la consommation de substances psychoactives. 

Les résultats de l’évaluation ont démontré une amélioration significative du bien-être et de l’estime de soi chez les élèves ayant participé au programme par rapport à un groupe témoin.

Le programme “En santé à l’école”

Le programme “En santé à l’école” a été pensé pour permettre aux enseignants de proposer des ateliers de développement des compétences psychosociales aux élèves, en partenariat avec l’ARS, l’Ireps Pays de la Loire, l’Anpaa (maintenant Addictions France) et la Fédération Addiction. 

Il complète l’approche de l’Ireps qui incluait des actions directes auprès des élèves et la mise à disposition d’outils pour les enseignants. Ce programme offre plusieurs prestations aux enseignants du premier degré, principalement pour les élèves du cycle 3 (CM1, CM2). 

Ces prestations comprennent : 

  •  des co-interventions dans les classes, 
  • l’accompagnement des équipes éducatives, 
  • des modules de formation initiale, 
  • des stages de formation continue, des formations à distance 
  • des journées d’échanges de pratiques. 

Au total, 568 bénéficiaires ont été touchés, dont 499 enseignants. Bien que les différentes modalités de formation soient jugées satisfaisantes, certaines sont recommandées en raison de leur rapport coûts-bénéfices plus favorable, notamment en raison du coût de la co-animation. Des mesures d’efficacité des pratiques en classe pourront compléter cette évaluation des processus.

Voici un petit tour d’horizon de plusieurs programmes mis en place qui nous offrent un grand nombre de pistes pour intégrer les soft skills dans le quotidien des élèves et donc améliorer leur bien-être quotidien. 

Construire une société plus épanouie avec les Soft Skills

En conclusion, l’intégration réussie des Soft Skills dans l’éducation offre un potentiel transformateur pour les élèves, les enseignants et la société dans son ensemble. Ces compétences psychosociales, qui englobent la communication, la collaboration, la résolution de problèmes et bien d’autres, deviennent de plus en plus essentielles dans un monde en constante évolution.

En fournissant aux élèves les outils nécessaires pour naviguer dans un monde complexe et interconnecté, les Soft Skills favorisent non seulement leur réussite académique, mais aussi leur épanouissement personnel et leur bien-être mental. De plus, ces compétences préparent les élèves à devenir des adultes résiliants, capables de s’adapter aux défis futurs et de contribuer de manière significative à la société.

Les initiatives telles que le programme Good Behavior Game, le Programme de développement affectif et social (Prodas), Mission Papillagou et En santé à l’école illustrent comment les soft skills peuvent être intégrées avec succès dans les salles de classe, offrant aux enseignants et aux élèves des ressources et des méthodes efficaces pour leur développement.

Ensemble, ces efforts démontrent l’importance cruciale de préparer les élèves d’aujourd’hui avec les compétences nécessaires pour réussir dans un monde où les changements sont toujours plus rapides. En intégrant les Soft Skills dans le paysage éducatif français, nous construisons une société plus résiliante, équilibrée et épanouie. 

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