Photo libre de droit

Le parcours scolaire d’une personne joue un rôle fondamental dans son intégration et son développement individuel mais aussi dans son intégration à la société. Le code de l’éducation (Article L-122-1) précise que la scolarité d’un élève doit lui garantir les moyens nécessaires pour acquérir les connaissances du socle commun et insiste notamment sur l’impact citoyen de la transmission de ces enseignements.

Mais pourquoi certains élèves sortent du système ? Quelles sont les causes ? Et surtout comment les accompagner ?

Cette problématique complexe, dense et aux multiples facettes ne peut être traitée en un seul article mais nous proposons ici d’ouvrir cette question et surtout de proposer quelques pistes pour opérer les changements nécessaires pour favoriser l’épanouissement des élèves. 

L’impact du décrochage scolaire sur les individus et la société

Le décrochage scolaire comme il est observé est souvent la conséquence d’un désintérêt progressif et multifactoriel de l’élève pour la scolarité dans sa globalité. Il y a bien entendu des degrés différents selon les profils mais même dans les cas les moins complexes, les conséquences peuvent rapidement affecter émotionnellement l’élève.

Dans un rapport publié en 2014 par le Ministère de l’Éducation en partenariat avec plusieurs acteurs de l’éducation publique en France, un groupe d’experts a observé que le décrochage scolaire est devenu une question de politique publique à partir des années 70. Ce moment marque un tournant car le chômage chez les jeunes prend de l’ampleur – 200 000 jeunes – notamment car ils ont quitté le système scolaire sans diplôme. Les mesures mises en place entre 1970 et 2014, ont permis de réduire ce chiffre à 140 000 jeunes. Cependant la question persiste et continue de toucher un grand nombre d’enfants et les causes sont aujourd’hui encore plus multiples. 

Le rapport propose à cette époque, “une roue du décrochage scolaire” que l’on peut utiliser pour entamer la réflexion et la compréhension des causes avant de nous pencher sur celles qui se sont ajoutées du fait de l’évolution de notre société.

Ce que nous montre cette roue, c’est la dimension lente, progressive et très complexe à saisir – du fait de la multiplicité des causes – du décrochage scolaire. Le sociologue Dominique Glasman parle d’un « continuum », qui exprime la difficulté à faire la différence entre les élèves qui décrochent et les autres : 

« Le décrochage scolaire est un objet aux contours flous. On ne peut en l’état que se contenter d’hypothèses quant à l’identité des décrocheurs et aux processus à l’œuvre. Néanmoins, il ne semble pas y avoir de rupture radicale entre les lycéens qui décrochent et leurs pairs qui, quoi que faiblement mobilisés par les activités scolaires, demeurent au sein des établissements. Les enjeux de ce phénomène dépassent le seul public concerné. Le décrochage interroge l’institution dans son fonctionnement comme dans sa capacité à donner sens à l’expérience scolaire et à aider à l’orientation des jeunes.»

Cette observation nous permet d’appréhender une première difficulté  : identifier un élève en situation de décrochage scolaire. Une explication en 3 temps proposés par le chercheur Pierre-Yves BERNARD : 

  1. Le décrochage scolaire est visible statistiquement tardivement. Ce qui représente un premier point d’alerte car c’est généralement à la fin du collège que cela intervient. 
  2. Même si le décrochage est un processus, constitué de fluctuations, certains moments de la scolarité sont plus impactants que d’autres : l’entrée en CP où se font l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, le passage au collège avec la classe de 6ème où les apprentissages deviennent de plus en plus abstraits et donc complexes selon les élèves, la transition vers le lycée où l’élève est épuisé et voit dans ce moment la possibilité de sortir complètement du système scolaire. 
  3. Le décrochage scolaire est un risque qui peut se manifester de différentes manières et sur deux plans : le comportement, l’attitude quotidienne face à l’école (absences à répétition…) et l’aspect pédagogique. Sur le plan pédagogique, plusieurs études parlent d’un décrochage scolaire qui part de l’intérieur avec une dimension cognitive.

Nécessité de comprendre les causes profondes

Toute la recherche et les études existantes nous permettent aujourd’hui d’identifier les structures économiques et sociales qui mènent au décrochage scolaire. 

Le chercheur américain Russell Rumberger a isolé deux axes qui représentent des facteurs de risque : 

  1. Les caractéristiques personnelles des élèves 
  2. Les caractéristiques institutionnelles qui sont liées aux politiques scolaires du pays 

Son approche propose d’aller plus loin avec le modèle Rumberger qui développe 5 de ces facteurs de risque : 

  1. L’élève : le chercheur observe les différences selon les catégories auxquelles il appartient comme le genre, la trajectoire de vie, l’origine sociale…
  2. La famille, sa structure, son espace de vie…il développe ensuite chacun de ses facteurs et s’appuie sur des faits comme la taille du logement. Par exemple, un élève qui n’aura pas d’espace pour étudier chez lui sera plus exposé à ces risques.
  3. Les fréquentations, notamment liées au fameux phénomène de pression des pairs. Certains élèves sont influencés par d’autres jeunes et s’exposent à des risques en manquant des cours.
  4. L’école, selon le cadre, les liens avec les adultes de l’établissement, les infrastructures proposées, les risques de décrochage seront plus ou moins élevés.
  5. Le quartier de résidence est directement lié à un facteur socio-économique.

Au vu de la densité des causes, il est facile d’avoir le vertige et de se demander par où commencer. On peut mentionner ici, une solution proposée par l’État français pour agir notamment en venant se concentrer sur les risques liés à des facteurs socio-économiques comme la mise en place de structures spécialisées qui agissent en relais comme les Missions Locales ou même à une échelle encore plus micro, les associations, plus nombreuses dans certains quartiers. 

Ces organismes ont pour mission de cibler et d’adresser les multiples facettes du problème, agissant comme des maillons essentiels dans la chaîne de prévention du décrochage scolaire. Ils œuvrent à créer des ponts entre les élèves – ou quand ils ont quitté le système, les individus – en difficulté, leur environnement socio-économique, et le système éducatif. 

La prévention du décrochage scolaire revient donc à proposer une action en réseaux qui implique les acteurs et professionnels de l’éducation mais aussi les familles. 

En faisant dialoguer des acteurs différents, on permet à chaque acteur intervenant dans le parcours d’un élève en risque de décrochage de s’appuyer sur un relais : 

  • Les associations pour accompagner les parents et proposer des espaces de dialogue pour élèves 
  • Les établissements et professionnels pour être formés à observer et anticiper ces situations 

Cette mise en relation enclenche aussi une nécessité absolue dans ce type de situations : la création d’un dialogue. En effet, dans nombre de situations, les élèves en difficulté s’isolent au point d’accepter le  comme “une fatalité existentielle”. Il est donc crucial de faire intervenir une dimension psychologique liée au bien-être. 

Comment repenser les espaces scolaires pour favoriser le bien-être ? Mais aussi comment permettre aux familles et aux élèves de franchir le pas du dialogue ?

Importance de trouver des solutions durables

Proposer des solutions implique donc de nombreux acteurs, mais aussi la nécessité d’être à l’écoute de la société. Car les dispositifs mis en place doivent directement se baser sur les évolutions sociétales qui impactent directement le système éducatif. 

De plus, les interventions temporaires, bien que bénéfiques à court terme, peuvent souvent laisser des lacunes dans la prise en charge à long terme des élèves en situation de fragilité.

Une approche durable implique la mise en œuvre de programmes éducatifs innovants, adaptés aux besoins spécifiques des élèves qui pourraient risquer de s’y retrouver confrontés. L’objectif est de créer des changements de fonds qui auront à la fois un impact sur les élèves en décrochage actuellement mais permettront d’anticiper et de créer un changement structurel et culturel au sein du système éducatif. 

Il est nécessaire aujourd’hui de penser ces changements en incluant la dimension numérique qui transforme globalement nos sociétés. Les écrans et les réseaux numériques ne doivent pas constituer un nouvel espace flou qui favoriserait le décrochage scolaire mais au contraire des outils pour le minimiser. 

Solutions et Prévention

Il est temps de proposer des ressources concrètes pour permettre de penser les solutions face au décrochage scolaire. Il y a deux points à explorer : celui qui apporte des solutions et celui qui permet de la prévention pour permettre une évolution sur le long terme qui impacte globalement la société. 

Comme précisé plus haut, la difficulté dans les situations de décrochage scolaire est de les constater. C’est alors qu’intervient la prévention. 

Prévenir le décrochage scolaire avec une proposition en 3 temps

Le duo de chercheur Marie-Anne HUGON et Jacques PAIN, suite à plusieurs recherches et observations, propose trois choses qui peuvent fonctionner dans les situations de décrochage : 

  • Faire preuve d’une grande souplesse dans la gestion du temps et de l’espace. Des ajustements qui permettent de répondre de manière plus adaptée à la diversité des profils des élèves. Cette organisation plus flexible peut être possible avec l’utilisation d’outils innovants comme ceux proposés par les partenaires Bien à l’École qui accompagnent les enseignants qui souhaiteraient mettre en place l’hétérogénéité en classe, par exemple.

  • Proposer aux élèves des enseignements “culturellement ambitieux et porteurs de sens”. Cela passe avant tout par l’accompagnement des élèves dans l’accompagnement à la compréhension de leur propre existence. Les élèves, qu’ils soient en situation de décrochage ou non, ont besoin de mener cette quête pour comprendre qui ils sont afin de pouvoir avancer de manière plus évidente et de ne pas se sentir étourdis à la fois par leur vie scolaire mais aussi sociale de manière plus globale. On peut notamment penser à l’intégration d’ateliers de philosophie bien avant la période du lycée, une discipline scientifique qui favorise la connaissance de l’être humain, de la société et permet donc la compréhension de sa propre existence. Les travaux menés par les deux chercheurs s’appuient pour ce point sur le travail mené par Serge Boimare “on ne réveille pas les curiosités intellectuelles et le désir d’apprendre avec des activités stéréotypées”. 

  • Travailler sur la loi et la place de chacun dans l’espace scolaire. En s’appuyant sur les techniques de pédagogie institutionnelle, on peut observer des résultats positifs auprès des élèves qui peuvent être impactés par le décrochage scolaire notamment du fait de l’isolement psychologique et affectif qu’il provoque. 

Adaptations pédagogiques

Parmi les questions au cœur de l’action menée par Bien à l’École, il y a la dynamique d’action en réseaux pour venir soutenir les élèves qui en ont besoin. Cela passe par l’exploration de plusieurs approches pédagogiques diverses et innovantes comme la mise en place d’enseignements différenciés qui viennent répondre à la question de l’hétérogénéité en classe mais aussi par l’utilisation de la technologie pour organiser cet accompagnement des élèves tout en soutenant les enseignants déjà bien sollicités. 
Nous vous invitons à découvrir nos partenaires sur cette page qui regroupe toutes les actions qu’ils mènent.

Impliquer les familles dans la persévérance scolaire

Un article de Robert Rakocevic (Éducation & formations n° 85 [novembre 2014 ], propose d’analyser les conséquences de la participation des parents sur le rapport à l’école de l’enfant. Il précise notamment que l’étude de l’implication parentale dans la vie scolaire questionne et fait depuis un moment l’objet de nombreuses recherches en France – il nous redirige vers l’ouvrage de Bergonnier-Dupuy qui fait les synthétisent -.

Ces recherches ont notamment permis l’émergence de plusieurs grandes catégories de parents, très vastes et diverses qui ouvrent des pistes, permettent de catégoriser mais semblent aussi se heurter à l’éternelle difficulté de la recherche : la spécificité et la particularité des profils. 

Parmi les catégories citées, en voici quelques-unes : 

  1. Des catégories liées au positionnement des parents face aux enfants 
  • les parents « autoritaires » dans le contrôle et peu dans l’affecte 
  • les parents « permissifs » au contraire beaucoup plus dans l’affecte au détriment du contrôle 
  • les parents «négligents » ni dans le contrôle ou l’affecte mais dans le rejet de tout ce qui les impliquerait dans la vie scolaire de l’enfant 
  • la dernière catégorie qui émerge est à la croisée de toutes les précédentes et essayent de faire preuve de nuance en mêlant cadre et soutien affectif 
  1. Des catégories liées à la perception des parents face aux institutions scolaires : 
  • les parents « délégateurs», qui ne pensent pas pouvoir accompagner la vie scolaire de l’enfant et se repose intégralement sur l’institution 
  • les parents « contrôleurs », très présents dans le quotidien de l’établissement de manière parfois assez intense 
  • les parents « professionnels », qui agissent comme des experts de l’éducation 

Inutile de préciser que toutes ces catégories sont liées aux points énoncés en début d’article qui découlent du contexte socio-économique. L’article propose de conclure avec une piste intéressante et positive, en impliquant les parents de manière durable on observe une meilleure implication des parents et des enfants. Les actions proposées aux familles peuvent prendre différentes formes et doivent savoir s’adapter aux différentes catégories mentionnées pour éviter une catégorisation étanche. 

Agir Collectivement contre le décrochage scolaire

En somme, la lutte contre le décrochage scolaire requiert une approche collective, globale et systémique. La nécessité d’agir ensemble, en intégrant la prévention, en proposant des solutions durables et en collaborant activement entre tous les acteurs concernés, est nécessaire pour avancer positivement. L’implication des institutions et des familles doit construire des liens qui portent les élèves vers un meilleur épanouissement scolaire. 

Et c’est aussi en repensant notre système éducatif à partir de dispositifs liés au bien-être, en anticipant les changements sociétaux et en soutenant chaque élève individuellement, que nous avancerons positivement. 

Ensemble permettons aux élèves de s’épanouir durablement !

Commentaires